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Que voyons-nous ? Une jeune femme asiatique lève la tête de son livre pour nous regarder. Nette, elle se détache très nettement du fond urbain flou. On y distingue un immeuble, des arbres, des drapeaux, et un étal de bois, sur lequel le personnage central est appuyé. Une personne entre dans le champ, accroupie, sur la gauche. Un mât de bois barre l'image.

La jeune femme est en noir. Robe légère noire, bras nus, cheveux noirs, petit sac noir. Son visage frappe immédiatement le regard et provoque un certain malaise. Maquillé, il ressemble à un masque. Teint blanc et bouche soulignée comme une geisha, et moustaches et contours des yeux noircis comme un félin. Seuls les yeux appartiennent à la jeune femme. Tout le reste du visage la défigure, l'enlaidit presque, avec ce trait appuyé. L'image devient fantastique, avec l'irruption du monstrueux dans une scène a priori toute sage (une jeune fille lisant). L'étrangeté de cet être hybride est renforcée par sa posture.

Elle tient un livre à la main, encore ouvert et porté à hauteur de lecture : la jeune femme interrompt donc sa lecture pour nous regarder. Nous fixer dans les yeux. Et quelle est son expression ? Ni souriante, ni agressive, mais plutôt attentive, et attentiste. Comme si elle attendait notre réaction. Or quelle peut être cette réaction ? Au minimum une réaction d'interrogation, sinon de gêne devant cet être dérangeant. Deux interrogations se font face, la sienne et la nôtre. Deux mondes se regardent en chiens de faïence.

Pourquoi ce maquillage ? Un lendemain de soirée déguisée ? Simplement un look original ? Je propose une autre interprétation : arrachée à sa lecture, la jeune femme porte encore sur elle la marque de l'imaginaire.

Marcel

Photo de Luo Dan, Prix d'or du Festival de Lianzhou 2008, exposé à Paris au printemps.