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Le Che, 1ère partie : « l’Argentin »
Un film de Steven Soderbergh

Aller voir un film sur le Che,
ce n’est pas aller voir un film sur les aventures d’un Robin des Bois de la Sierra Maestra, c’est aller voir un film sur un des mythes des années 60. Au delà de Cuba et de l’Amérique du Sud, Fidel Castro et le Che ont incarné la lutte contre l’impérialisme étatsunien, ils ont tous deux suscité l’espoir que tous les hommes pourraient vivre mieux et qu’ils pourraient tous avoir également accès à la médecine et à l’éducation. Mais le Che, qui est mort en combattant dans la forêt bolivienne, a aussi incarné le « romantisme révolutionnaire », en opposition à la bureaucratie soviétique à laquelle il s’est opposé et qui l’a conduit à se séparer de Fidel afin de poursuivre « l’œuvre » commencée.
Aller voir un film sur le Che, c’est donc se demander comment va être évoquée l’épopée militaire d’une poignée de « barbudos », depuis leur arrivée sur l’île à bord du Gramma jusqu’à leur entrée à La Havane en janvier 1959, soutenus par tout un peuple, et cela, tout en traitant de leurs motivations politiques.



Mais en ce qui me concerne, aller voir un film sur le Che c’est aussi faire émerger tous les souvenirs de militant qui, deux étés de suite pendant six semaines, en 1970 et 1971, est allé enseigner la génétique végétale à l’Université de La Havane avec l’idée de contribuer à briser le blocus imposé par les Etats-Unis. Aller voir un film sur le Che c’est donc chercher à « replonger dans le mythe », mais c’est prendre le risque de ne pas retrouver ce qui a créé l’enthousiasme de l’époque. A l’inverse, c’est aussi prendre le risque de rester dans le mythe et le romantisme sans chercher à voir les dérives qui ont conduit Cuba dans l’état de sclérose actuel.

Après avoir vu la première partie du film, intitulée « l’Argentin », on peut dire que Steven Sodergergh a su nous éviter ces deux pièges, il nous offre du bon cinéma, avec des actions bien menées et des acteurs qui collent à la peau de leur personnage. Tous les héros de la révolution cubaine sont là, le Che, Fidel, Raoul, Camillo… et on les reconnaîtrait presque tant il est évident que les acteurs ont été choisis et grimés pour leur ressembler, et qui plus est ils reproduisent leurs attitudes et leurs tics au point parfois d’introduire la confusion entre la fiction et le réel. Fidel apparaît bien comme le « lider maximo », charismatique et autoritaire, Raoul est là pour expliquer les décisions du chef et arrondir les angles tout en restant inflexible, Camillo est dans son rôle d’exécuteur brillant.

Quant au Che, interprété avec maîtrise par Benicio del Toro, il est présenté sous les différentes facettes qui ont construit l’image de ce révolutionnaire : le guerillero qui, malgré son asthme, supporte les conditions de vie difficile, les marches forcées dans la sierra et qui n’hésite pas à s’exposer dans les combats contre l’armée de Batista ; le stratège militaire qui prend la ville de Santa Clara ouvrant ainsi la porte de la Havane ; le médecin qui n’hésite pas à prendre des risques pour soigner les hommes blessés au combat ; enfin, le révolutionnaire qui dans la guérilla entreprend déjà « la construction de l’homme nouveau ».




L’inflexibilité de l’homme est également bien mise en évidence. Dans la sierra, le Che renvoie chez eux tous les hommes qui, bien que spontanément désireux de se joindre à la guérilla, arrivent sans fusil : « Sans armes ils ne servent à rien et mettent en danger leurs compagnons ». Ou bien encore, il impose aux illettrés de faire leurs devoirs, chaque soir, après les marches et les combats : « La révolution n’a pas besoin de ceux qui ne savent ni lire ni écrire ». Mais, il y a de quoi être saisi lorsque l’on voit le Che, en 1964, à la tribune des Nations Unies à New York, proclamer à la face du monde : « Oui, nous avons fusillé des opposants à la révolution et nous continuerons à le faire ». Ces scènes en noir et blanc, judicieusement intercalées entre des scènes de la guérilla, sont d’un réalisme saisissant.

Donc au total, le film de Steven Soderbergh devrait satisfaire les amateurs d’épopée et les nostalgiques du Che. Mais il devrait aussi ne pas décevoir ceux qui ont été enthousiasmés par les perspectives ouvertes par la révolution cubaine en faveur des exploités et des laissés pour compte, mais qui déplorent que la rigidité idéologique et l’autoritarisme d’un homme, Fidel, n’aient pas permis à la société cubaine d’évoluer de manière plus positive, malgré tous les progrès réalisés dans les domaines de la santé et de l’éducation.

Alain

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