yam'tcha


Entre l'eau et le feu. Pile au milieu du restaurant de poche yam'tcha, notre table se situe exactement entre le bar à thés et les fourneaux de la cuisine.

Dans un angle de la petite salle chaleureuse et dépouillée se trouve donc un bar, couvert de toutes petites théières de formes et de teintes variées. Là officie le maître du thé, Chiwah. Concentré, souriant, il puise dans ses boîtes directement importées de Chine un thé vert ou un thé fumé, les dose à la feuille près, puis se lance dans un ballet d'eau bouillante jaillissant dans une théière, puis transvasée dans une autre théière, elle-même arrosée d'eau pour la maintenir à la température exacte pendant les 5 ou les 15 ou les 10 secondes demandées par l'infusion d'une variété en particulier.

Dans l'angle opposé, la cuisine, ouverte. Deux personnes. Le plongeur et la chef, Adeline. Précise, sereine et partout à la fois, elle jette, taille, sélectionne, cuit au wok ou au four, puis dresse les assiettes. Le plaisir de la voir travailler avec tant de bonheur se double de la curiosité. Lorsque vous passez commande du menu dégustation, vous lui confiez les destinées de votre dîner : elle improvise le menu en temps réel. Sur un canevas commun à toutes les tables, elle peut prendre un chemin de traverse, faire l'école buissonnière, glisser un paleron de bœuf fondant à la place d'un canard de Challans, substituer une épaule d'agneau de Lozère à une pièce de foie gras poêlé...

Conseil d'ami : lâchez prise. Laissez-vous bichonner par Adeline et Chiwah. Ne pensez même plus à choisir un vin, prenez "l'accord thé". Le maître du thé vous apporte pour chaque plat le thé en accord parfait. A chaque fois exquis. Et l'impression nouvelle, sans alcool pendant le dîner, d'une lucidité des papilles qui augmente le plaisir.

Après une mise en bouche couteau/citronnelle, ont défilé ce soir-là sur notre table :
Des coques sautées au wok, avec soja noir et céleri chinois. Servies avec un thé au goût humide et tourbé. Un délice, la décontraction obligée d'un plat mangé avec les doigts, puis fini à la cuillère.


Foie gras sur asperges blanches et sous feuilles de moutarde. Ces denières, jolies et légères, au petit goût de cresson jeune. Le foie gras, pas fondu, mais bien fondant, ferme sous des atours parfaitement poêlés. Asperges cuites à merveille, avec un léger croquant. Les trois goûts bien mariés et mêlés dans le petit jus.

Filet de barbue sur chou pointu. Là encore, précision de la cuisson. Un produit frais, une cuisson parfaite, qui non seulement le respecte mais en plus le sublime. La chef, formée à l'école hyper exigeante de L'Astrance, maîtrise cet clef de voûte de la cuisine. La cuisson, ici parfaite pour tous les mets du dîner. Servie avec un thé vert suave.
Paleron de bœuf sur aubergines sautées au poivre de Sichuan. Bœuf grillé en surface et goûteux au cœur, croustillant sous la dent grâce au poivre, dont les baies parfumées se mêlent à la douceur de l'aubergine. Servi avec un thé floral et minéral apaisant. Fromage : un mélange mascarpone-gorgonzola un peu mièvre, servi avec deux fines tranches de pomme et une tranche de pain croustillante. Le choix d'une assiette aussi simple et inventive autour d'un fromage plus structuré, plus fort - comme le salers ?- aurait été plus convaincant.

Dessert parfait, avec l'acidité délicieuse d'une rhubarbe confite tapie sous un blanc-manger onctueux et aérien, sur lequel se pose un croustillant sablé breton. Pas de chichis, pas d'alambiqué. Des textures, des goûts. Un dessert composé comme un plat, pas comme une coiffure de Marie-Antoinette. Et tant mieux. Avec, un thé au jasmin sublime, aux arômes de chèvrefeuille.

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yam'tcha (signifie "boire du thé en mangeant") : une leçon de précision sur la cuisson d'une part, réalisée sur wok et four exclusivement, et sur le thé d'autre part. Des produits superbes. Une cuisine aux influences chinoises, françaises, andalouses et ... ? Un service attentionné, discret et volontiers disponible pour toute demande ou explication.
Couverts joliment choisis : courts et lourds, beau design.
Menus à 30 (midi), 45 et 65 €
4, rue Sauval Paris 1, 01 40 26 08 07.


illustrations Véronique Deshayes